La voie de Skjaldmö

Des landes enneigées se pose une silhouette guerrière, de cape et de lance. Ses yeux clairs, tels deux pics de glace pure vous fixant du regard, et ses cheveux d'un blanc de neige, Valdyra vous observe, impassible sous ses chaud vêtements Nordiques. Lance posée pointe au ciel, bouclier accroché au dos, elle se tient là, prête à combattre, faisant face à la caméra alors que les flocons de neige se posent doucement sur le cuir et le fer de ses pièces d'armure.

En ces terres inconnues les vents du Nord m'ont amenée, implacables et froids, aussi silencieux que la mort. Une voie nimbée d'énigmes et d'obstacles qu'un guerrier se doit de résoudre et franchir. Telle est ma route, et rien ne me fera détourner de ce chemin qui m'est destiné.

Le Nord garde jalousement ses secrets, ne laissant à ses enfants aucun indice. Il est à nous de suivre notre voie et de triompher de nos ennemis pour atteindre le bout du chemin. A l'arrivée, notre destinée nous attend.

Me voici aux portes d'une civilisation étrange où la science et la technologie ont évolué d'une manière telle qu'elles se trouve désormais ancrées dans vos vies et vos moeurs les plus basiques. Elles ont englouti tout votre être au point d'oublier les principes mêmes du coeur à l'ouvrage, de se battre corps et âme pour vos convictions. Vous avez choisi la facilité, la distance et la simplicité. Vous avez choisi votre vie. J'ai choisi la mienne.

Celle de me battre.

Le combat vous forge un homme, exhorte votre esprit à se renforcer, votre corps à se développer, devenir plus endurant. J'aspire à combattre les plus puissants guerriers, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, car les vents du Nord m'ont amenée à vous affronter. J'ignore encore toutes les coutumes de votre contrée, mais je sais que les valeurs au combat sont les mêmes. Honneur, bravoure, vaillance, courage, volonté, une rage de vaincre, une soif de gloire et de reconnaissance, une réputation à bâtir, une renommée à forger à la force de vos poings. Tout cela existe encore, et j'ose croire que ces principes demeurent universels, compris par tous.

De là à ce qu'ils soient respectés, je sais, au fond de moi, qu'il n'en sera pas ainsi de vous. La voie du guerrier est ardue, mais j'ai choisi d'être une Skjaldmö car mes convictions méritent que je me batte pour elles au plus profond de mon être. J'ai cette rage dans le sang, cette rage bouillonnante envahissant chaque parcelle de mon corps, la soif de combat que les Nordiques les plus hardis apprennent à maîtriser pour devenir les Berserkers les plus redoutés. Nordique, je le suis. La peur, je ne la connais pas. Et j'ai laissé derrière moi tout ce qui m'est cher, parcourant des centaines de lieues, traversant les océans déchaînés pour suivre ma destinée.

Et vous, cachés dans la brume de l'inconnu, vous êtes ceux qui se dressent en travers de mon chemin.

En ces terres inconnus les vents du Nord m'ont amenée, m'incitant à prendre le temps d'étudier cet environnement, cette culture si différente de la mienne. De vous observer également. Certains d'entre vous ont déjà élevé la voix, et les vents du Nord m'ont rapportés vos propos. D'autres ont écrit sur d'étranges parchemins sans papier, que je ne peux seulement lire, sans pouvoir en toucher la matière pour m'imprégner des sentiments qui vous ont poussé à rédiger ces missives. Vous avez choisi cette vie du moindre effort. J'ai choisi la mienne.

Celle de faire front. De payer de ma personne à chaque instant. Car telle est ma voie, celle d'une Skjaldmö.

Toi, Kara. Créature immortelle que le temps a choisi d'épargner. Et de ce don s'écoule pourtant de la haine, de la colère. Tu as choisi de t'en prendre à nous, que les affres du temps touchent, pour déverser tout le mal qui te ronge. Car les années passent, les siècles s'écoulent, et tu cherches encore ton chemin, l'ennui te poussant jusqu'ici pour simple divertissement. Les graines du temps chutent inexorablement, et au fond de toi, la lassitude ronge ton corps, ton esprit, et le pervertit sournoisement, le rendant malheureux et malhonnête. Les yeux voilés par la fuite perpétuelle de la mort que tu as choisi de nommer immortalité, tu n'aperçois pas ton propre déclin et le goût de la vie qui s'affadit, s'étiole jusqu'à ne rester plus qu'un simulacre d'existence corrompue par une soif insatiable de nouvelles expériences qui, au final, deviennent une denrée trop rare pour assouvir tes désirs. Car te voici au même niveau que nous, en bas du Haut Hrothgar, et comme nous devoir te battre pour en atteindre le sommet. Tôt ou tard, nous nous affronterons, Kara. Ce jour-là, je te montrerai pourquoi l'immortalité n'est en aucun cas un cadeau, mais bien un fardeau, voire une malédiction pour celui qui la porte.

Toi, Carlo. Homme se plaçant lui-même au-dessus de toute chose. De cette prétention, je vois une grande faiblesse, cette de n'avoir connu de défaites. Une épreuve obligatoire pour apprécier d'autant plus la vie s'offrant devant nous. Cette vie qui n'épargne pourtant personne, pas même toi. Toi, l'autoproclamé Ultrastar, tout comme l'immortelle Kara, tu te trouves au pied de la montagne à gravir, au même titre que tout autre combattant de la ASCW. Ton esprit voilé par tant d'égocentrisme t'oblige à regarder constamment en haut, car tu penses déjà au sommet. Or il suffit d'agripper ta cheville et tirer pour observer ta chute. Et là se trouve ta principale faiblesse, celle qui causera ta perte : tu refuseras de remonter la pente, car tu crois que tout t'es acquis. Que tu n'es nullement obligé de repasser les épreuves. Cependant, le destin ne peut être courbé, tu devras affronter à nouveau ces mêmes épreuves, savoir rester humble devant la défaite, et l'accepter comme une marche de plus menant au sommet, et non une trappe que l'on peut ignorer. Tu as besoin de cette marche pour évoluer, Carlo, et te surpasser encore. Car le luxe que tu t'offres n'est autre qu'autant de lumières t'aveuglant et t'empêchant de voir le chemin. En cela, tu risques de t'en écarter, et tomber encore et encore. Tu n'es pourtant pas un cas désespéré, car je sais que tu as un esprit guerrier. Ce jour-là, tu connaîtras la défaite de mes mains. Ce jour-là, je te montrerai que perdre une bataille n'est pas une fin, mais le commencement, une nouvelle étape qui te permettra d'avancer d'autant mieux.

Toi, Ryan Wilson. Homme à la personnalité trouble. De cette facade, d'aucuns peut se fourvoyer en y voyant une personne aisée à duper ou à vaincre. Je ne suis cependant pas dupe car de cette folie se cache un homme qui ne recule devant rien, ni personne. Un combattant usant de leurres pour tromper ses ennemis afin de mieux remporter la victoire. Toi, qui te caches sous une personnification moderne du bouffon, tu tentes de manipuler le monde autour de toi pour qu'il voit en toi un autre de ces illuminés à la parole factice. Je sens pourtant en toi autre chose qu'un fou. Les mots sortent aussi facilement de ta bouche qu'un éventail de couteaux frappant sa cible avec précision. Tu parais aliéné, mais tu demeures en réalité clairvoyant. Trop clairvoyant, ce qui t'amènes à croire en ta propre folie par moment. Peux-tu savoir quel est le vrai du faux ? Ce que tu inventes de la vérité ? De ce mur mental que tu ériges, celui-ci t'empêche de voir et de croire en tes convictions. Ta faiblesse se trouve là, au sein même de cette protection que tu renforces chaque jour, protégeant ton esprit de l'extérieur. Les victoires ou les défaites ne peuvent rien signifier pour toi, et de cela tu n'apprendras rien. Or la vie n'est qu'une éternelle leçon en constante évolution, un enseignement permanent qui demande à chacun de nous de comprendre les erreurs que nous avons faits et d'en tirer l'expérience pour l'éviter. Tu sais te battre, tu sais frapper, mais tu ne sais pas pourquoi tu combats, quels principes, quelles convictions guident tes actions et tes coups. Les défaites que tu subiras, les victoires que tu obtiendras ne pourront t'aider si tu t'enfermes dans ce cocon que tu crois protecteur. Ce jour-là, je briserai ce mur de mes mains. Ce jour-là, je te montrerai la vertu d'une vérité acceptée et la force des convictions, de ce pour quoi tu te bats.

Toi, Brandon Woods. Homme aux rêves de batailles et de guerres passées et futures. En ces mots que tu écris dans un billet virtuel, je me suis reconnue dans mes jeunes années. Apprenti combattant, tu entres pour la première fois dans un champ de bataille, et tu devras apprendre de chaque blessure, chaque coup, chaque douleur reçue et infligée. Un combattant ne peut évoluer et se perfectionner qu'au prix de cicatrices et de souffrances, à la sueur et au sang versé. Contrairement aux autres guerriers de la ASCW, tu as conscience d'être au pied du Haut Hrothgar, du chemin long et sinueux à arpenter sans relâche. Je reconnais en tes mots une fougue de la jeunesse avide de batailles, impatiente de combattre, de se ruer sur le premier ennemi venu. Je comprends ce que tu ressens, je suis passée par cette épreuve. Ta faiblesse est évidente mais n'est pas insurmontable, loin de là. Il te suffit d'apprendre, et de comprendre pour évoluer. Telle est la voie du guerrier, une voie difficile et douloureuse que tu as choisi de ton plein gré. En cela, tu as déjà mon estime. Mais mon respect ne peut être gagné que par le combat. Et ce jour-là, tu apprendras ce qu'est la défaite et comment en tirer parti. Ce jour-là, tu sauras à quel point tu es déterminé à suivre cette voie.

Toi, Axel Roy. Homme donneur de leçons. Tout comme Carlo, tu te places en professeur de la vie, en sommet de la pyramide. Or, tel enseignant que tu peux être, même toi a besoin d'apprendre pour prodiguer des conseils et des leçons à tes élèves. L'ascension du Haut Hrothgar ne peut être résumé en tableaux et graphiques dessinés à la craie sur une ardoise. Chaque marche est une épreuve différente pour chacun de nous, et tu ne peux prédire ses tenants et aboutissants. Car comme nous tous, tu entames cette ascension, au même niveau, sur un pied d'égalité. Ta faiblesse est similaire à celle de Carlo : tu penses ne rien prouver, ne rien apprendre de nouveau. Alors ta chûte sera d'autant plus douloureuse, tant physique que morale. Tu es de ceux n'acceptant pas les défaites, qui n'en tirent pas de leçons, toi qui te prétends professeur. Ce jour-là, je serai celle qui te prodiguera ton premier conseil. Ce jour-là, tu comprendras que même un professeur peut apprendre d'un élève.

Vous, les autres. Ceux dont la parole n'a pas encore atteint nos oreilles, dont les écrits n'ont pas encore trouvé lecteurs. Qu'ils soient porteurs de masques ou à visage découvert. Qu'ils aient de l'expérience ou arpentent pour la première fois le Haut Hrothgar. Je n'oublie pas que nos chemins peuvent se croiser, que nous devons un jour être amenés à combattre afin de gravir la prochaine marche. J'ai conscience que mon destin se joue à chaque montée, à chaque bataille. Et j'ai la conviction de pouvoir atteindre le sommet.

Et je me battrai pour ça. Toujours. Car je suis une Skjaldmö.